Ex-légionnaire de la armée patriotique rwandaise (APR), puis rebelle au sein de l’AFDL, du RCD-Goma et du MLC de Jean-Pierre Bemba, le général Gabby Moustapha Mukiza est décédé hier de suite d’une maladie.
C’est Moustapha Mukiza qui a mené l’opération commando aéroportée de l’atterrissage forcé à Kitona des troupes du RCD parties de Goma, le 4 août 1998, pour prendre en étau Kinshasa.
Il est l’auteur d’un intéressant ouvrage autobiographique intitulé « L’espoir au-delà de mes larmes,», paru en 2014. Dans cet essai, il rencontre son parcours militaire et de vie ainsi que la problématique des populations Tutsi installées en RDC.
DES CONFLITS ENTRE LES TUTSI INSTALLÉS EN RDC AU-DELÀ DE LEUR ALLÉGEANCE À KAGAME
Dans son essai intitulé : « L’espoir au-delà de mes larmes », publié en 2014, le général Gabby Moustapha Mukiza explique les rivalités internes qui existent entre les Tutsi du Nord-Kivu et ceux du Sud-Kivu. « Les tutsi du Nord-Kivu sont plus proches du Rwanda que ceux du Sud-Kivu (Mulenge – Minembwe), mais tous sont des Tutsi, dans les us et coutumes du point de vue approche géographique et morphologique. (…)
Les tutsi du Nord-Kivu sont proches des Rwandais vu qu’ils partagent par fait naturel (frontières) le train-train quotidien commun et vu les nombreux rapports économiques qu’ils partagent au quotidien. C’est pourquoi les Tutsi comme les généraux Masunzu ou Jonas Padiri du Sud-Kivu sont réticents aux Rwandais et les ont violemment combattus. (…)
Du temps de l’Armée patriotique rwandaise (APR), tout Tutsi qu’il soit du nord ou du sud avait bénéficié, en égale chance, de la formation au Rwanda. (…) Il y a cependant une méfiance réciproque entre les tutsi du Nord-Kivu et ceux du Sud-Kivu. Certains tutsi du nord avaient estimé que le mérite de la victoire de l’AFDL avait trop valorisé les « Banyamulenge » à leur détriment. Et la résultante de cette appréhension a engendré ce clivage complexe sans cesse émaillés des coups bas
SA BIOGRAPHIE
Le général de brigade Gabby Moustapha Mukiza est né le 30 juillet 1968 à Ngandja dans le territoire de Fizi dans la province du Sud-Kivu. Il est le fils de Bujanja Evariste et de Christine Nyirarukondo Nyirankundwa, tous deux des Banyarwanda installés dans les Hauts plateaux de Minembwe. Il vient d’être admis à la retraite par ordonnance présidentielle du 2 mai 2020 au grade de général major.
Moustapha Mukiza a servi comme légionnaire au sein de l’APR (armée patriotique rwandaise) au Rwanda avant d’être injecté dans l’AFDL. Il va ensuite rejoindre le RCD-Goma en menant l’opération commando aéroportée de l’atterrissage forcé à Kitona des troupes du RCD parties de Goma, le 4 août 1998, pour prendre en étau la capitale congolaise.
Il était à la tête d’une compagnie des commandos de 136 hommes. L’opération tourne au cauchemar pour Mukiza et ses hommes pris en sandwich entre les troupes angolaises stationnées à Cabinda et héliportées vers Moanda par les hélicoptères Puma et les troupes gouvernementales des FAC venues de Kinshasa. Récupérés par les hommes de l’UNITA de Jonas Savimbi à Makela Do Zombo, qui organiseront leur rapatriement à Kigali.
Arrivés à Kigali, ce sera la douche froide. L’accueil y est glacial. Mukiza et ses troupes seront désarmés et pratiquement méprisés par les autorités rwandaises qui ne voulaient pas voir ces « Banyamulenge » chez eux. C’est là que Jean-Pierre Ondekane, ministre de la Défense du RCD-Goma, va le nommer commandant de brigade. Il décide de l’envoyer à Buta, dans la Province-Orientale.
Arrivé sur place, Mukiza sera surpris que l’on avait nommé un autre commandant, Jacques Mukalay Mushonda, un Tutsi du Nord-Kivu à la tête de la même brigade. Mukiza se contentera de commander un des trois bataillons de cette Brigade. Le climat sur place à Buta est délétère.
Mukiza et ses éléments Banyamulenge se sentent trahis par le Rwanda. C’était au même moment que le MLC commence sa rébellion dans la même Province Orientale, soutenu par l’Ouganda.
Des officiers ougandais qui étaient au courant de son mécontentement envers Kigali vont lui faciliter le contact avec le QG du MLC installé à l’aéroport de Buta. C’est à ce moment précis que sa décision sera prise de rejoindre le MLc fraîchement créé par Jean-Pierre Bemba.
Le général Mukiza prendra en quelque sorte ses distances avec le Rwanda, sans pour autant couper les ponts avec ses frères Azarias Ruberwa, Moïse Nyarugabo et Bizima Karaha.
Au sein du MLC, il côtoiera le général Kibonge aussi retraité. Il gardera aussi des contacts réguliers avec Jean-Pierre Ondekane, aussi précocement retraité par l’ordonnance présidentielle de Tshisekedi.
Au sein du MLC, après avoir livré quelques batailles pour le contrôle de la partie nord de la province de l’Equateur, Moustapha Mukiza sera nommé commandant de la brigade Charlie ou brigade C de l’ALC (Armée de libération du Congo), la branche armée du MLC. Jean-Pierre Bemba enverra son contingent en RCA pour soutenir le gouvernement du président Ange-Félix Patassé (2001-2003).
Son unité sera accusée d’avoir commis de graves crimes de guerre et crimes contre l’humanité en RCA. Mais Mustapha Mukiza Gaby ne sera nullement inquiété ni auditionné par la CPI dans le procès Bemba.
Pourtant, c’est lui qui a conduit les opérations militaires sur le terrain en RCA.
Après la réunification de l’armée avec les forces rebelles et les maï-maï sous le brassage, le général Mukiza deviendra commandant de la région militaire du Bandundu puis commandant de la base militaire de Kitona.
Il sera ensuite chef d’état-major de la deuxième zone de défense des FARDC couvrant les territoires administratifs de l’ex-Katanga et des deux anciennes provinces du Kasaï.
C’est lui qui était donc à la base de la planification des opérations menées dans les massacres du Kasaï placées sous le commandement du général tutsi Eric Ruhorimbere, actuellement commandant secteur Ops Nord-Equateur (Fief de JP Bemba).
Jean-Jacques Wondo/DESC
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