Que doit-on faire de Patrice-Emery Lumumba ? C’est la question que les politiciens membres du ” groupe de Binza ” (Justin-Marie Bomboko, Joseph Mobutu, Victor Nendaka, Joseph Ileo, Cyrille Adoula, Albert Ndele. . . ) se posent après l’arrestation de l’ancien premier ministre le 2 décembre 1960.
1. Un membre du groupe proposa l’idée d’organiser un procès public pour juger Lumumba pour les crimes qu’il aurait commis. Cette idée fut écartée parce qu’un procès public pourrait devenir une tribune offerte à Lumumba.
2. La deuxième idée est venue du président Kasa-vubu. En effet, le président de la République envisage d’organiser une Table-ronde de réconciliation nationale qui devra réunir le groupe de Kinshasa, le groupe de Lubumbashi (M.Tshombe, G. Munongo, Kimba. . . ), le groupe de Bakwanga (A. Kalonji, J. Ngalula. . . ) et le groupe de Kisangani (A.Gizenga, C. Gbenye, P. Mulele, le général V. Lundula et . . . Lumumba).
3. Les officiers militaires belges, anciens de la Force Publique, qui conseillent Moïse Tshombe au Katanga, Albert Kalonji à Bakwanga et le colonel Mobutu à Kinshasa vont s’opposer, fermement et avec succès, à cette idée de réconciliation nationale du président Kasa-vubu.
L’option de l’élimination physique de Patrice-Emery Lumumba va être retenue et réalisée à la suite de la conjonction de plusieurs événements.
4. Premièrement, les initiatives militaires du groupe des Lumumbistes. Depuis Kisangani où ils sont installés, le groupe des nationalistes dirigés par Antoine Gizenga va lancer des opérations militaires, sous le commandement du général Victor Lundula, en vue de libérer le territoire national. C’est ainsi que, nous l’avons déjà vu, le 25 décembre 1960, les troupes Lumumbistes attaquent la ville de Bukavu, chef-lieu de la province du Kivu. Après la chute de Bukavu, elles arrêtent les autorités provinciales et les transfèrent à Kisangani. Ces autorités qui dépendaient de Kinshasa seront remplacées par Anicet Kashamura qui devient le répondant du gouvernement légitime de Kisangani.
5. Au mois de janvier 1961, les militaires de l’ANC-Lundula entrent au Nord-Katanga et libère Manono où ils installent un gouvernement anti-Tshombe.
Kinshasa va paniquer lorsqu’ils apprennent que le général Lundula envisage d’attaquer Mbandaka. Cette panique va les pousser à résoudre l’équation Lumumba.
6. Deuxièmement, la reprise des mutineries au sein de l’ANC-Mobutu à Kinshasa et ses environs.
En effet, du 7 au 14 janvier 1961, des mouvements de mutinerie vont se dérouler dans l’armée du colonel Mobutu à la suite des mécontentements des militaires liés au non-payement des soldes et à l’avancement en grade. La mutinerie du camp Hardy à Mbanza-Ngungu est la plus inquiétante pour le groupe de Binza parce que c’est là qu’est gardé le prisonnier Lumumba qui commence à susciter des sympathisants dans les rangs des militaires congolais. Ce qui va pousser Kinshasa à passer à l’action pour éliminer la menace.
7. Troisièmement, enfin, l’élection de John Fitzgerald Kennedy aux États-Unis d’Amérique.
Le 8 novembre 1960, un nouveau président est élu aux États-Unis. Grâce à sa relation avec Jacky Kennedy, la femme du nouveau président, Thomas Kanza rencontre le président américain auprès de qui il va plaider la cause de son chef Patrice Lumumba.
Manifestement, le jeune diplomate congolais (il a 27 ans en 1960) a convaincu le président américain puisque celui-ci s’engage à s’impliquer personnellement, après son investiture, prévue le 20 janvier 1961, dans la libération de Patrice Lumumba.
Malheureusement pour les Lumumbistes, la CIA (Service de renseignement américain) va transmettre cette information à Kinshasa pour que le cas Lumumba soit réglé avant la prestation de serment du président Kennedy.
8. C’est ainsi que le 17 janvier 1961, soit 3 jours avant la prestation de serment de John Fitzgerald Kennedy à Washington, Patrice-Emery Lumumba va être exécuté de sang-froid à Lubumbashi !
A suivre !