A la lumière des analyses précédentes d’Adolphe Muzito et de la réalité mouvante du terrain, nous sommes arrivé à ces quatre schémas suivants:
Scenario n° 1 : Le président réussit une nouvelle majorité parlementaire
Dans ce cas, le président aura réussi à convaincre les parlementaires de Modeste Bahati, à débaucher quelques députés de Fcc et à diviser Lamuka aux fins de s’adjoindre les députés de Katumbi et de Jean-Pierre Bemba. Il se sentira alors en position de force pour requalifier la majorité parlementaire et pousser Le PM de Fcc à la démission en vue de pouvoir nommer un informateur capable de désigner cette nouvelle majorité. Ce sera alors un nouveau départ pour le reste du quinquennat de Félix Tshisekedi pour pouvoir vite réaliser toutes ses promesses électorales et les nombreuses réformes dont le peuple a besoin pour sortir du tunnel noir.
Outre le risque significatif de l’épée de Damoclès qui restera suspendue sur Fatshi à cause du caractère mouvant des politiciens congolais facilement corruptibles et débauchables à souhait, ce succès politique ne sera pas sans problème dans la suite car il ira de pair avec la déconfiture de son ancien allié qui est loin de se laisser faire.
En perdant la mainmise sur tous ses avantages, le Fcc appliquera de toute évidence ce qu’il avait déjà préparé depuis longtemps, à savoir la politique de la terre brûlée. Des armes lourdes achetées de la Russie, de la Belgique et auprès d’autres partenaires fiables de l’ancien président trouveront le moment de parler. Kabila s’y est préparé contrairement à Fatshi et au peuple congolais qui se contente des paroles et des formules creuses.
Lorsqu’Emmanuel Shadary pousse sa base de PPRD à se mettre debout pour PARALYSER le pays ou encore lorsque Kabila appelle à la RESISTANCE sa base à Kingataki via le schéma de conflits et sécessions congolaises de 1960 ou quand il écrit noir sur blanc aux présidents, menaçant de plonger la Rdc dans un bain de sang, les congolais doivent prendre au sérieux, très au sérieux ces déclarations de guerre. Seul bémol à ces ardeurs belliqueuses : Joseph et Zoé Kabila sont interdits de vol vers Lumbumbashi d’où ils ont prévu de lancer les opérations militaires d’envergure. Et l’ultime espoir que le peuple fasse bloc autour du président Fatshi pour neutraliser une fois pour toutes la kabilie.
Scenario n° 2 : Le président lève l’option de dissoudre l’Assemblée nationale
Pour y arriver, il lui faudra trouver des raisons qui ne sont pas celles énumérées par la constitution qui prévoit cette dissolution uniquement en cas d’une CRISE PERSISTANTE évoquée à l’article 148 entre l’Exécutif et l’Assemblée nationale. Jusque là la Chambre basse n’a rien fait qui contrarie ou bloque l’action gouvernementale. Ce qui parait probant, ce n’est pas une crise entre deux institutions de l’Etat mais plutôt un conflit interne au sein d’une alliance politique extraconstitutionnelle et extrainsitutionnelle.
Comme cela a semblé lui réussir tout dernièrement avec le coup de force de la nomination et de la prestation forcée des juges à la Cour constitutionnelle, le président prend de nouveau le risque de dissoudre l’Assemblée Nationale pour aller à une nouvelle recomposition parlementaire.
Mais pour s’y faire, il lui faudra un blanc-seing du Premier Ministre et des présidents de deux chambres du parlement qui sont de FCC. S’il réussit quand même à surmonter ce double obstacle, il lui faudra alors résoudre la difficile équation de passer aux élections avec une CENI qui n’existe plus depuis la démission de ses principaux dirigeants. Ce qui de toute évidence plongera le pays dans une situation d’inconstitutionnalité avérée suite à l’impossibilité d’organiser les élections législatives dans les soixante jours, conformément à l’article 148, al. 3 de la constitution congolaise.
Et comme l’a si bien dit l’ex-premier Ministre Muzito, cette donne juridique d’inconstitutionnalité peut alors pousser la marche du pays dans une période d’exception où le président pourrait s’approprier les compétences du Parlement avec ce risque d’une dérive dictatoriale qui a déjà commencé à donner des signaux rouges avec les intimidations sur Le Karmapa pour son clip sur Mama Yemo, l’arrestation de Tshiala Muana pour son opus « Ingratitude) et depuis hier ce mandat en comparution de nombreux membres de la diaspora congolaise accusés de crime de lèse-majesté.
Toujours concernant ce schéma, émerge un troisième problème. Le scrutin organisé en décembre 2018 concernait les élections et législatives et présidentielles. Or dans la tête des initiateurs de l’union sacrée, les élections anticipées ne concerneraient que les législatives au moment où l’institution PRESIDENCE est aussi concernée par la crise de légitimité. La dissolution de la chambre basse mettra inévitablement en exergue cette question de fond : « comment Monsieur Félix Tshisekedi a-t-il accédé à la présidence de la République ? »
Bref un schéma assez générateur de problèmes et à l’encontre de Fatshi qui n’a aucune garantie de remporter la majorité en cas des élections anticipées et à l’encontre du peuple qui craint d’être entrainé dans une zone grise où son avenir devient encore plus flou. Car cela entrainera une crise à la fois politique et institutionnelle avec les conséquences sécuritaires et socio-économiques très néfastes.
Scenario n° 3 : Le président échoue dans sa démarche de former une Union sacrée
Le troisième scénario consisterait à voir le président Félix Tshisekedi qui, ne rassurant pas les uns et les autres à cause de ses nombreuses et récentes voltes-faces dans le passé, échoue dans sa stratégie de former une « Union Sacrée ». Ou encore il réussit à recruter quelques députés, à augmenter son poids au sein de l’Assemblée nationale ainsi que son quota au sein de la coalition FCC-CACH, mais n’arrive ni à avoir une majorité parlementaire ni à avoir le contrôle de ses fonctions régaliennes, dont la défense et la justice ainsi que la gestion des finances et des mines.
Dans ces conditions, l’on pourra vivre la réplique de la formule du commandant en chef de La Force publique le général Emile Janssens, formule de 1960 adaptée au tableau politique congolais de fin novembre 2020 selon laquelle : « Après les consultations = avant les consultations ».
Ceci dit, Fatshi rentrera la queue entre les jambes dans le vieux schéma de la coalition Fcc-Cach mais cette fois-ci plus affaibli que jamais et vis-à-vis de ses alliés de Fcc qui savent désormais qu’il n’est pas fiable dans ses engagements et vis-à-vis du peuple à qui il a fait miroiter l’illusion d’un nouveau tournant politique sans qu’il n’y en ait rien de concret. Ce scénario poussera le Fcc à passer de la coalition à la cohabitation avec leur premier Ministre issu de Fcc et mettant en place un gouvernement formé uniquement des membres de leur famille politique. Cette formule affaiblira davantage Félix Tshisekedi qui va régner sans rien diriger et réduira davantage sa capacité de réaliser sa vision. Il n’y aura d’issue ni pour lui-même, ni pour le pays.
Le seul gagnant restera le pouvoir occupant de l’Afdl qui est revêtu des habits congolais de Fcc et qui, pis est, profitant de la cohabitation multipliera des grandes réalisation sociales pour faire oublier Fatshi et tenir enfin en ses mains une manette de plus en vue de négocier un billet gagnant pour 2023.
Scenario n° 4 : Le président Fatshi réussit son coup de génie théâtral avec son allié…
L’autre hypothèse reviendrait à ce vaste théâtre monté depuis le 23 octobre 2020, jour où le président Félix avait créé la suprise en déclarant urbi et orbi vouloir changer la gouvernance de la RDC alors qu’en réalité lui et son partenaire Kabila savaient exactement qu’ils mettaient là en place une vaste pièce de théâtre où toutes les personnes et institutions consultées ont été instrumentalisées en de simples personnages/acteurs d’une pièce de théâtre dont ils ne maitrisent ni les tenants ni les aboutissants.
Une pièce théâtrale dont seuls les deux metteurs en scène (Fatshi et Kabila) maitrisent l’intrigue profonde et en connaissent le dénouement. Une pièce de théâtre ayant consisté à distraire massivement tout un peuple pour détourner son attention devenue brusquement trop active sur des problèmes brûlants du Congo, notamment : le dossier récurrent de la Sécurité des populations de l’Est où les auteurs intellectuels se cachent dans les institutions à Kinshasa, celui de l’actualisation du Rapport Mapping et de l’institution d’un tribunal Pénal Spécial pour la RDC, celui de la reconfiguration en commune rurale de Minembwe qui pourrait servir d’un précèdent pour les autres parties du territoire congolais etc. Le peuple devenait de plus en plus exigeant et il fallait le lui faire oublier en créant un problème dans un problème en vue de jeter aux oubliettes les anciennes revendications au nom des promesses pompeuses qui sortiraient des consultations.
Les antagonistes d’apparence (Tshisekedi et Kabila) étant la fabrication d’un même démiurge qui a été consulté par les émissaires de deux camps (en espace de quelques jours) en vue de donner rapport sur le bon déroulement de l’Acte I et II, corrigeant en même temps les quelques ratés du premier scenario, renouvelant le casting en ajoutant sur la liste du protocole, d’autres noms importants qui manquaient à la première liste pour donner ainsi plus de semblant de crédibilité au théâtre. Ils se mettront d’accord pour créer un gouvernement de large union nationale pour y faire entrer tous les grands poissons de l’opposition, leur confier des ministères importants ( jusqu’à leur proposer la primature et l’assemblée nationale) dans le seul objectif de les pousser à l’erreur pour enfin les déplumer et les affaiblir avant les échéances électorales de 2023.
Dans la suite de la production théâtrale, la vraie intrigue qui en est la toile de fond se négocie en coulisse. Ainsi donc, les consultations nocturnes de Bizima Karaha et de Déogratias Rugera, l’envoi à Kigali d’une délégation composée de ses proches conseillers, la pression de ses pairs africains pour le respect des clauses de l’Accord mais aussi les petites phrases assez révélatrices des acteurs qui sortent de la consultation telles que « le président a dit qu’il n’abandonnait pas l’accord mais il tient à parler avec son partenaire » (Henri-Thomas Lokondo) ou encore « le chef de l’Etat a dit qu’il n’y a pas crise, il y a seulement un malaise » (Justin Bitakwira) constituent autant d’indices significatifs qui démontrent à suffisance qu’il risque de n’avoir ni rupture avec le passé ni volonté de dissolution de l’Assemblée Nationale mais une simple stratégie du Chef de l’état de se servir du « succès » de ces consultations pour monter les enchères politiques et pour se mettre en position de force avant sa prochaine rencontre avec son partenaire de la coalition.
S’il se confirmait la rumeur sur l’imminence d’une rencontre au sommet entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi, alors on va droit à un simple rééquilibrage des forces au sein même de la maudite coalition. Au final, l’issue de l’intrigue ramènera d’une façon inattendue les congolaises et les congolais à un dénouement qui, dès demain vendredi, sera loin, très loin de leurs nombreuses attentes. Ils n’auront plus alors que leurs yeux pour pleurer… Comme toujours.
Qui vivra verra !
G.N