Alors qu’il savait que son sort était scellé, alors qu’il savait que l’avenir de sa chère patrie,le Congo était en train d’être compromis dès les premiers mois de son indépendance. Patrice Emery Lumumba a gardé une foi inébranlable pour un lendemain prospère : « A mes enfants que je laisse, et que peut-être je ne reverrai plus, je veux qu’on dise que l’avenir du Congo est beau ».
Quand tout va mal et tant bien même que cela fait des décennies que le pays s’enfonce, le Congolais aime se rassurer en répétant cette « prophétie » du Héros national. Et pourtant, Lumumba avait pris soin d’indiquer la clé d’un avenir radieux de son cher pays : « l’avenir du Congo est beau (…) et attend de chaque Congolais, d’accomplir la tâche sacrée de la reconstruction de notre indépendance et de notre souveraineté ».
60 ans plus tard, le Congolais résigné, fataliste lui répond « Nzambe akosala », traduisez « On s’en remet à Dieu ».
Avec une étonnante précision, le premier premier ministre post indépendance avait très tôt dépeint le tableau de la RDC six décennies plus tard : « le colonialisme belge et ses alliés occidentaux (…) ont corrompu certains de nos compatriotes, ils ont contribué à déformer la vérité et à souiller notre indépendance. (…) C’est le Congo, c’est notre pauvre peuple dont on a transformé l’indépendance en une cage d’où l’on nous regarde du dehors, tantôt avec cette compassion bénévole, tantôt avec joie et plaisir ».
Retour à la case départ, un éternel recommencement avec des crises multiformes, la paix sociale inexistante à cause d’une classe politique qu’on pourrait ranger dans trois cases :
– La majorité au pouvoir qui s’érige en un gang dont les leaders s’enrichissent d’une manière exponentielle et fulgurante en s’essuyant les pieds, coquetterie supplémentaire, sur la justice et le bon sens. Dans un élan de générosité cynique, ils s’autorisent parfois de saupoudrer les miséreux de quelques dons alimentaires comme à un peuple victime d’une catastrophe naturelle ou d’une guerre. La politique devient dès lors un métier et de plus de loin le plus plantureux.
– Une opposition politique obsédée par la conquête du pouvoir, y compris par la compromission et non sans voir ses leaders s’allier, se poignarder dans le dos, se rabibocher… La population, l’opposition ne la regarde pas comme une alliée mais comme une « chair à canon »qu’elle envoie dans la rue dès que le pouvoir essaye de corrompre les mécanismes et les procédures d’accession aux responsabilités. Pas une seule fois, l’opposition a appelé à manifester contre la flambée du dollar ou celle des prix, ou encore contre la vétusté des écoles, la faiblesse des salaires…
– A défaut d’être une alternative, la société civile et les églises sont entrées dans l’arène avec une forme de pureté et d’indépendance que l’appât du gain et la tentation politicienne ont vite phagocytés. S’est ainsi envolé l’espoir d’une troisième force censée faire le contrepoids ou servir d’aiguillon aux aspirations citoyennes.
Lassée, désemparée, la population s’en remet à Dieu en susurrant, entre des dents asséchées faute d’une activité régulière, une formule qui s’impose quand on a renoncé à être l’acteur de son destin : « Nzambe akosala ».
Gilbert fundi.